La désertification aux portes de Pékin
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Alors que la désertification gagne du terrain en Chine, avalant chaque année quelque 2.500 km2 de terres supplémentaires, un petit village situé à 72 km de Pékin surveille avec inquiétude l'avancée d'une dune de sable de plusieurs kilomètres de long. "Elle n'est plus aujourd'hui qu'à 70 m des premières maisons du village et avance à une vitesse moyenne de 8 à 9 mètres" par an, explique Wang Yongxian, le secrétaire du parti communiste à Longbaoshan, une localité de 700 habitants de la province du Hebei, à 15 km seulement de la Grande Muraille. "Si rien est fait, le village sera ensablé dans moins de 10 ans", ajoute-t-il résigné, tandis qu'un de ses administrés montre du doigt quelques pousses rabougries émergeant d'un lopin sablonneux. "C'est censé être du maïs, mais même s'il pleuvait demain, cela ne changerait rien, il n'y aura pas de récolte cette année", lance Wang Yongxing, qui habite dans une des maisons les plus proches de la dune.
Venu s'installer sur son site actuel en 1988 pour échapper aux glissements de terrain, le nouveau village aux maisons de briques rouges a rapidement renoué avec la malchance. La petite dune sans importance qui se trouvait à l'origine à plus de 150 mètres du village, se fait chaque jour un peu plus menaçante, tandis que la sécheresse persistante frappant le nord la Chine depuis plusieurs mois a d'ores et déjà sonné le glas de la récolte de maïs et de graines de tournesol cette année. "Pour survivre, il ne nous reste plus qu'à aller trouver du travail en ville", commente Wang, désabusé.
Régulièrement mentionné par la presse chinoise et visité l'an dernier par le Premier ministre Zhu Rongji, le village de Longbaoshan illustre la gravité des problèmes de désertification auxquels la Chine se trouve confrontée.
Près d'un quart de son territoire, soit plus de 2,6 millions de kilomètres carrés, est d'ores et déjà composé de terres désertiques ou quasi désertiques, mais la situation devrait continuer à rapidement se dégrader, selon la plupart des experts, en dépit des mesures prises par les autorités pour tenter de ralentir le phénomène.
"Entre 1985 et 1995, 2.460 km2 de terres se sont désertifiées en moyenne chaque année, mais la situation s'est encore aggravée depuis", estime Zhang Kebin, un professeur de l'université forestière de Pékin, spécialisé dans la désertification et qui se refuse à fournir les dernières statistiques officielles sur le sujet, relevant qu'elles n'ont pas encore été rendues publiques.
Il dénonce pêle-mêle la surexploitation des terres agricoles et de l'eau, la déforestation et un surpâturage intensif, conséquences des réformes libérales appliquées dans les campagnes au cours des 20 dernières années.
Son pessimisme est partagé par Luo Bin, un expert en désertification travaillant pour l'administration nationale des forêts, qui ajoute le phénomène climatique "El nino" et l'élévation mondiale de la température à la longue liste des facteurs contribuant à la désertification de la Chine. Même si les deux hommes écartent tout danger immédiat pour Pékin, ils reconnaissent que le désert à proprement parler se trouve désormais à moins de 200 km de la capitale et qu'il avance d'environ 2 à 3 km par an. "Il y a peu de risques que Pékin ne devienne un désert au cours des deux ou trois prochains siècles", estime Luo Bin, qui souligne l'importance des investissements déjà consentis par les autorités, de l'ordre d'un milliard de dollars, notamment pour créer une ceinture verte autour de la ville ou pour dissuader les paysans de continuer à exploiter les terres les plus menacées.
720 millions de dollars devraient à nouveau être dépensés au cours des 10 prochaines années pour éviter que les sables de Mongolie intérieure ne ne recommencent à obscurcir le ciel de Pékin, comme ce fut le cas lors des tempêtes de poussière récurrentes l'an dernier et à nouveau ce printemps.
Les effets de ces tempêtes se sont fait sentir en Corée et au Japon, voire même jusqu'aux Etats-Unis, selon une association américaine de défense de l'environnement.
Source :Chine Nouvelle