Tsunamis : la France mieux préparée qu'il y a 20 ans
- Catégorie : Prévision et alerte en France
En 2004, le tsunami qui a frappé Sumatra, en Indonésie, a véritablement éveillé les consciences à l’échelle mondiale sur les risques associés à de telles calamités naturelles. Aujourd'hui, un réseau mondial de surveillance est en place pour observer en continu les éventuelles origines de tsunamis, notamment les tremblements de terre.
Un quart d’heure pour préserver des vies : c’est le temps imparti aux équipes du Cenalt (Centre d’alerte aux Tsunamis) en Île-de-France pour identifier et analyser les tsunamis, puis alerter la population. Dans certaines régions de métropole, de puissantes vagues peuvent toucher les plages en quelques minutes, notamment dans le sud de la France. Cette menace est liée à une faille sismique qui s’étend de Nice à Savone, en Italie. Placée entre deux plaques tectoniques, cette structure est responsable de plus de 70% des tsunamis à l’échelle mondiale.**
Créé en 2012, le Cenalt surveille attentivement la Méditerranée, en raison de la présence d'une autre faille au large de l’Afrique du Nord. Bien que la majorité des tsunamis se produisent dans le Pacifique, entre 10 et 20% surviennent en Méditerranée. En 2022, l’Unesco a estimé qu’il y avait près de 100% de probabilité qu’un tsunami dépassant un mètre touche les côtes méditerranéennes dans les trois prochaines décennies. Un tsunami de 50 cm peut faire perdre l’équilibre à un adulte. Avec une hauteur d’un mètre, des objets lourds comme des poubelles ou même des voitures peuvent être emportés.
Les équipes du Cenalt surveillent en continu un grand écran affichant une carte du monde, semée de centaines de triangles colorés. Chaque symbole indique l’activité d’une station sismique en temps réel. Parfois, l’un des triangles change brièvement de couleur pour passer au rouge avant de revenir à sa teinte initiale.**
"Mais si plus de huit stations se déclenchent sur une même zone, alors l’alerte est donnée dans le bâtiment du Cenalt", précise Hélène Hebert, coordinatrice du Cenalt et géophysicienne, toujours un œil à l’affut de la moindre anomalie. L’équipe détermine alors le niveau d’alerte - jaune, orange ou rouge (le plus fort) - avec la magnitude, c’est-à-dire le niveau de force du séisme (voir l'image ci-dessous). Il faut une magnitude d’au moins 6,5 pour que le séisme puisse provoquer un tsunami. Le niveau de la mer, lui, est déterminé par les marégraphes. Les experts préviennent alors le Cogic (Centre opérationnel de gestion interministérielle des crises) du niveau d’alerte, des départements concernés et de l’heure d’arrivée. Le Cogic prévient ensuite les préfectures et les mairies pour diffuser les alertes de mise à l’abri.
Ce système d’alerte n’a pas toujours existé : seul l’Océan Pacifique possédait des systèmes de détection de tsunami avant les années 2000. Le tsunami du 26 décembre 2004 lié à un séisme de magnitude 9,1, l'un des plus puissants jamais enregistré, avait causé la mort de 227.000 personnes dans plus de 15 pays différents. C’est à partir de cette date que l’Unesco, un organisme de l'ONU, a coordonné un programme d’alerte et de détection des tsunamis. Il existe aujourd’hui quatre groupes de coordination sur chaque zone du globe : le Pacifique, l’Océan Indien, la mer caribéenne et la dernière zone qui regroupe l’Atlantique Est et la Méditerranée.
"Il y a 20 ans, on mettait plus de 30 minutes à analyser un tsunami, aujourd’hui, c’est moins de 10", ajoute le spécialiste. Le réseau de stations s’est densifié comme les bouées DART ("Deep-ocean Assessment and Reporting of Tsunamis"). "Les bouées sont reliées à des capteurs au fond de l’océan qui mesurent la différence de pression quand la vague d’eau passe", détaille Hélène Hebert.
Présentes depuis les années 1990 dans le Pacifique, elles se sont déployées dans d’autres zones avec une cinquantaine en service dans tous les océans, mais aucune en Méditerranée. "Mais on devrait profiter en Europe d’un système fondé sur les câbles sous-marins. Bardés d’instruments scientifiques, ils pourraient détecter les tremblements de terre", s’enthousiasme la géophysicienne qui pense au programme en cours de développement au Portugal. Enfin, dernier élément qui a réduit le temps d’analyse : la mise au point d’algorithmes plus puissants, et donc plus rapides dans le traitement des données observées en temps réel.
En plus de l’alerte et de la détection, l’Unesco a aussi préparé une quarantaine de communautés du Pacifique, de l’Océan Indien et des Caraïbes ces dernières années à l’éventualité d’un tsunami. En 2022, l’organisation avait notamment déclaré un nouveau programme mondial "Tsunami Ready" pour préparer 100% des populations côtières à la menace d’un tsunami d’ici 2030. La même année, Cannes est ainsi devenu la première ville française à recevoir cette distinction.
En 2018, la ville avait commencé à sensibiliser les professionnels sur les plages ainsi que les écoliers avec une signalétique au sol et des panneaux. "Aujourd’hui, les locaux sont au courant du risque", se réjouit Yannick Ferrand, directeur des risques majeurs à la mairie de Cannes. D’autres villes ont été labellisées depuis, comme Samos en Grèce ou Minturno en Italie. L’Unesco est d’ailleurs particulièrement attentive à l’Italie et à la présence d’un volcan sous-marin dont l’éruption pourrait provoquer un tsunami. Encore assez peu étudiée, l’activité volcanique est à l’origine de 10% des tsunamis.