Avec 1,2 milliard d'habitants et un développement économique galopant, la Chine est sans doute le pays où la question de la désertification se pose avec le plus d'acuité. Les zones désertiques recouvrent un quart du territoire chinois (810 000 km2, soit pas loin de deux fois la superficie de la France). Selon l'ONU, les déserts grignotent chaque année 2 500 km2 supplémentaires. Ces chiffres sont contestés par certains experts de l'Académie des sciences chinoises. Selon eux, l'accroissement des zones désertiques ne dépasserait pas 310 km2 par an. L'est de la Mongolie intérieure serait la région la plus touchée par ce phénomène. C'est beaucoup, d'autant plus qu'un sol abîmé par l'érosion ne retrouve pas son état initial si l'homme n'intervient pas.
En Chine, on estime que le désert recule de 10 km2 par an grâce aux conditions naturelles. Une bagatelle à côté des 1 060 km2 gagnés sur le désert chaque année grâce à la revégétalisation ou la reforestation.
A l'ouest de la Chine, le désert du Takla-Makan est de loin le plus vaste. La mer de sable couvre à elle seule 338 000 km2, soit un peu plus que la superficie de la Pologne. C'est la deuxième mer de sable active du monde. Cet immense domaine désertique commence à peine à être étudié, comme le reconnaît une équipe de chercheurs de l'Institut de recherche des régions froides et arides de Gansu. Personne aujourd'hui n'est en mesure de prévoir son évolution au cours des prochaines décennies.
La situation est la même dans d'autres régions. Même si on sait que l'accroissement démographique et le surpâturage sont les principaux facteurs de désertification en Mongolie intérieure, les chercheurs de l'université de Huhhot ne manquent pas de souligner qu'on est encore loin de connaître avec précision l'ampleur et l'étendue de la dégradation de la steppe dans cette vaste région (3). Ils citent l'exemple de la ville de Xilinhaote dont la population est passée de 116 700 habitants en 1985 à 136 900 en en 1999. Dans le même temps, le nombre de têtes de bétail a bondi de 618 000 à 1,130 million. La charge à l'hectare est donc passée de 0,66 tête de bétail par hectare à 1,20. A l'évidence, des zones où la végétation est fragile ne peuvent pas supporter une telle pression. Mais on peut deviner sans peine que les remèdes préconisés par l'équipe de Genxu Wang (déplacements de bétails, poses et rotations de clôture) demanderont plusieurs années avant d'être adoptées.
La désertification en Chine est aussi liée à un autre phénomène de grande ampleur : les tempêtes de poussières qui balaient régulièrement le pays d'Ouest en Est (notre carte). Ces événements peuvent provoquer des catastrophes comme en mai 1993 où des vents froids descendus de Sibérie circulant à près de 140 km/h ont traversé tout le nord de la Chine, soulevant du sol et charriant des milliers de tonnes de particules à travers toute cette partie du pays. Le bilan fut très lourd : 86 morts, 260 blessés, plus de 40 000 habitations ainsi qu'une bonne partie du réseau électrique et des récoltes détruites.
Les tempêtes de poussière ont toujours existé dans cette région de l'Asie. Elles sont plus fréquentes au printemps après des hivers doux ou lors des étés très secs. Les témoignages historiques ne manquent pas qui décrivent dès le Moyen Age des villes envahies par des smogs tenaces. Mais l'impact de ces épisodes géoclimatiques sur la santé humaine commence néanmoins à inquiéter les autorités sanitaires car les poussières ont tendance à concentrer les polluants et peuvent modifier, voire accroître, leur toxicité.
La formation des tempêtes de poussière est mieux comprise depuis que l'impact du vent sur les sols a été modélisé en laboratoire. Du coup, on sait aujourd'hui que les particules transportées dans l'atmosphère ne sont pas des grains de sable, trop gros et trop lourds, mais les fines poussières des régions périphériques des zones désertiques. Les sols dégradés par le pâturage excessif ou la surexploitation agricole constituent donc sans doute les nouveaux foyers potentiels des tempêtes.
Les poussières peuvent parfois voyager sur de longues distances. C'est ainsi qu'une tempête ayant balayé le Takla-Makan le 25 février 1990 avait déposé une fine couche de poussières sur les neiges des sommets alpins. D'énormes quantités de poussières sont transportées dans l'atmosphère par les vents. On estime ainsi que, chaque année, 800 millions de tonnes de poussières désertiques sont charriées dans l'atmosphère et se déposent sur l'ensemble de la planète. Les terres chinoises fourniraient à elles seules près de 30% de ces minuscules débris.
Source : ONU