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ALERTES EN COURS

 

b_300_200_16777215_00_images_stories_images_rechauffement_secheresse_idf_180325.jpg Les épisodes de sécheresse intense sont une menace croissante pour Paris et sa région qui pourront coûter jusqu'à 2,5 milliards d'euros, sans entraîner toutefois de restrictions d'eau potable, observe l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) dans un rapport publié lundi 17 mars.

La région Île-de-France ou région parisienne (« la région ») est exposée à un risque croissant de sécheresse. En 2018, la canicule estivale qui a suivi un printemps exceptionnellement sec a obligé les autorités à imposer temporairement des restrictions d’usage de l’eau dans la région. La sécheresse de 2022 a entraîné des déficits en eau records et perturbé l’état des cours d’eau. Le changement climatique est l’une des principales causes des tendances observées. Depuis 1990, les températures moyennes ont progressé de 2 °C et l’humidité moyenne des sols a diminué de 5 %. D’après les projections, la région devrait observer une baisse des précipitations estivales et une amplification de l’évapotranspiration sous l’effet de l’augmentation continue des températures. Ces conditions augmentent la probabilité de survenue de sécheresses sévères.

Outre la modification du climat, le développement socio-économique accentuera le risque de sécheresse à l’avenir. Concentrant près de 20 % de la population et un tiers de la production économique du pays, l’Île-de-France affiche une demande en eau importante. L’agriculture, qui occupe 50 % de sa superficie, a vu ses besoins en eau plus que doubler depuis 2012 et ceux-ci devraient encore accroître de 45 % d’ici à 2050 selon les trajectoires actuelles. L’industrie manufacturière, la navigation fluviale et la production d’énergie aussi sont fortement tributaires des ressources en eau. L’étalement urbain a aggravé le risque de sécheresse en amplifiant l’artificialisation des sols et en faisant obstacle à la recharge des nappes phréatiques et au stockage souterrain. Les efforts de lutte contre les îlots de chaleur urbains, par exemple par la création d’espaces verts, sont également de nature à faire augmenter la demande en eau.

Jusqu’à présent, la région s’est montrée résiliente aux sécheresses. Elle bénéficie d’un solide réseau d’infrastructures fluviales. Quatre lacs réservoirs y jouent un rôle crucial dans le maintien des niveaux d’eau et garantissent l’approvisionnement en eau potable et en eau à usage industriel, agricole et énergétique lorsque les ressources en eau se raréfient. Le réseau d’eau potable de la région affiche un taux de fuites plus faible que toutes les autres villes françaises et les principales villes européennes. Des sources souterraines variées et l’interconnexion d’une partie des réseaux de distribution d’eau confèrent à la région une relative sécurité d’approvisionnement en eau potable.

Néanmoins, un épisode de sécheresse majeur pourrait gravement perturber les activités économiques, engendrant des coûts économiques pouvant atteindre 2.5 milliards EUR. En nous basant sur les sécheresses historiques comme celles de 1921 et 1976, nous modélisons dans ce rapport trois scénarios de la raréfaction future de l’eau sous l’effet de la modification des conditions climatiques. Il en ressort que les répercussions économiques des possibles sécheresses pourraient varier entre 1.4 milliard EUR en 2050 et 2.45 milliards EUR en 2100. Les coûts directs représenteraient 70 % du coût économique total. Les industries manufacturières et l’agriculture seraient en première ligne. Le recul de la production agricole se répercuterait sur le secteur alimentaire et d’autres branches économiques seraient touchées indirectement par la baisse de la production manufacturière. L’Île-de-France étant la première région importatrice et exportatrice du pays, le manque à produire pourrait également avoir un impact économique sur d’autres régions françaises (pouvant atteindre 330 millions EUR) et européennes (pouvant atteindre 170 millions EUR). Il faut y ajouter les dommages causés au bâti par le phénomène de retrait des argiles sous l’effet de la sécheresse, qui sont estimés à environ 300 millions EUR. Outre les incidences économiques, les importations d’eau potable dans la région risquent de provoquer des conflits avec les agriculteurs d’autres régions, tandis que les sécheresses menacent les écosystèmes et le bien-être.

Si la réduction des prélèvements d’eau est un objectif prioritaire des pouvoirs publics, les efforts consentis par le passé suggèrent une marge de manœuvre limitée. Dans la région, le volume total des prélèvements d’eau a diminué de 14 % depuis 2012 et doit baisser encore de 10 % d’ici à 2030 (et de 14 % dans le cas de l’eau potable). Étant donné que la consommation d’eau des ménages et la part de prélèvements d’eau pour les usages agricoles sont déjà inférieures à la moyenne nationale, ces objectifs constituent un défi.

Les stratégies de gestion des sécheresses et les instruments d’aménagement en place mériteraient de faire l’objet d’une solide évaluation des risques et d’une approche coordonnée, inscrite dans une perspective de long terme. Les stratégies nationales et infranationales existantes classent la sécheresse parmi les risques critiques, mais elles ont un horizon temporel limité à 2030 et ne reflètent pas les tensions à plus long terme que provoquera le changement climatique. Elles ne proposent pas d’évaluation rigoureuse du risque de sécheresse, et notamment des évolutions prévisibles de l’offre et de la demande en eau. Enfin, si les objectifs concernant le risque de sécheresse sont cohérents entre les différents échelons, ils restent à intégrer dans les politiques sectorielles.

Pour cibler efficacement les mesures d’adaptation aux sécheresses, il est essentiel de disposer de données complètes sur les usages actuels de l’eau. L’absence de compteurs d’eau complique la compréhension des modes de consommation de différents groupes de consommateurs (ménages, entreprises, communes...) et empêche ainsi de cibler efficacement les mesures d’adaptation. Ce problème concerne aussi les irrigants et les usagers industriels, qui déclarent leurs prélèvements seulement lorsqu’ils dépassent un certain seuil.

Il serait possible d’assurer une allocation plus stratégique de l’eau ex ante dans une optique d’adaptation aux risques de sécheresse à venir. Actuellement, les régimes d’allocation de l’eau ne tiennent pas compte de la rareté de la ressource. Les usagers peuvent procéder à des prélèvements illimités s’ils démontrent que la ressource ou les écosystèmes plus généralement n’en pâtiront pas. C’est seulement en période de sécheresse sévère que des régimes d’allocation plus stricts sont appliqués. Or, des initiatives concertées comme AQUI’Brie, association créée pour gérer une nappe de la région, démontrent que les usagers peuvent décider collectivement de règles d’allocation de l’eau afin de réduire les prélèvements sur le long terme.

Le recours aux ressources en eau non conventionnelles pourrait grandement contribuer à l’efficacité d’utilisation de l’eau à l’avenir. La réutilisation des eaux industrielles et la collecte des eaux de pluie et de drainage pour l’irrigation communale et domestique et le nettoyage des rues se popularisent. Une plus grande sensibilisation à ces possibilités et la levée des obstacles réglementaires permettront d’amplifier cette tendance.

Une stratégie de financement à long terme, traduisant une démarche à l’échelle de l’ensemble de la société, est nécessaire pour stimuler l’investissement dans la résilience aux sécheresses. Pour étayer cette stratégie, il est primordial d’évaluer les besoins de financement pour mettre en œuvre les mesures d’adaptation requises tous secteurs confondus, ainsi que d’identifier les obstacles actuels de financement. Il importe de veiller à la viabilité des mécanismes d’assurance comme le régime de catastrophes naturelles CatNat. Il est également crucial que les financements liés aux sécheresses soient intégrés dans l’ensemble des budgets concernés, dont les fonds nationaux de gestion des catastrophes. En outre, pour encourager des mesures de long-terme telles que la transition vers des cultures agricoles résistantes à la sécheresse, il peut être nécessaire de considérer des mécanismes incitatifs (financiers ou technologiques) pour rendre une telle démarche rentable.

Augmenter les tarifs de l’eau et rendre les dispositifs de financement existants davantage efficients pourraient permettre d’accroître les financements requis pour s’adapter au risque de sécheresse. Face à l’inélasticité de la demande eau aux prix dans la région, il est peu probable qu’une simple hausse de prix soit suffisante pour ramener la consommation d’eau des ménages à des niveaux souhaitables. Néanmoins, l’augmentation du prix de l’eau pourrait contribuer à combler le déficit de financement suscité par la baisse de revenus conséquente à une diminution des prélèvements mais aussi lié aux besoins accrus en matière d’adaptation. En outre, des financements sectoriels existants comme les fonds européens destinés à l’agriculture pourraient être adaptés pour tenir compte plus concrètement des besoins de réduction des risques de sécheresse.

 

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