Les deux-tiers des communes françaises sont aujourd’hui considérées comme exposées aux catastrophes naturelles. Le risque inondation est le plus fréquent, tandis que le risque sismique figure parmi les plus redoutés en termes de nombre de victimes potentielles. Cette situation est appelée à s’accentuer dans les prochaines décennies, du fait de la combinaison d’une augmentation de fréquence et d’intensité de certains aléas due aux changements climatiques, avec des dynamiques démographiques qui tendent à concentrer les populations dans les zones à risque, notamment le long du littoral. De ce fait, et avec d’importantes hétérogénéités territoriales, les autorités doivent composer avec la diversité des aléas pour établir des dispositifs de gestion de crise efficients à même de protéger les personnes et les biens. Cela requiert la construction d’une connaissance situationnelle permettant de mieux cibler et anticiper les prises de décisions, et nécessite la multiplication des canaux de remontée d’informations depuis le terrain.
Dans ce contexte, RéSoCIO ambitionne de proposer une démarche outillée permettant de démontrer l’intérêt et la faisabilité de l’exploitation automatisée des données issues du réseau social Twitter en contexte de crise liée à une catastrophe naturelle à cinétique rapide, en se focalisant sur le cas des crues éclair et des séismes.
Cet objectif général s’accompagne de la levée de verrous spécifiques, dont le 1er concerne la capacité, dans un contexte de catastrophe naturelle, à fournir des informations rapidement. La levée de ce verrou est d’autant plus délicate que l’enjeu sociétal majeur que constitue une réponse plus ciblée et rapide face aux catastrophes naturelles requiert que les tweets soient analysés avec d’autres types de données exogènes rapidement disponibles (sorties de modèles météo, caractéristiques des séismes, etc.), et que le processus d’analyse soit automatisé pour permettre un traitement continu “à la volée”.
Un autre verrou à lever relève de l’acceptabilité de ce type de contribution et de son exploitabilité potentielle en contexte réel. Il découle du caractère incertain de l’adoption d’outils innovants - du fait de difficultés d’usage et du contexte culturel pouvant entraîner jusqu’à leur abandon -, qui ne peut être réduit que par une prise en compte du contexte organisationnel. Sur cette base, RéSoCIO propose une analyse transverse de la façon dont les données issues de Twitter peuvent être exploitées par les acteurs intervenant dans la gestion opérationnelle des catastrophes naturelles, avec comme principal caractère novateur l’identification couplée de mécanismes algorithmiques et organisationnels.
La détection automatique d’informations issues des réseaux sociaux, leur géolocalisation et leur mise à disposition des gestionnaires de crise en quasi-temps réel constitue LE défi majeur auquel les chercheurs du projet tentent de répondre en tirant parti de la puissance de l’intelligence artificielle (IA). Jusqu’à présent, les divers algorithmes de détection automatique développés s’appuyaient sur un entrainement basé sur des jeux de données en Anglais. En construisant un jeu de données français, annoté à la main, RéSoCIO ouvre la voie à de futurs outils de veille rapidement utilisables sur le territoire national.
L’évaluation du modèle développé est présenté dans un récent article publié dans la revue PLOS One. L’article présente les résultats du modèle IA développé sur le cas de la tempête Alex ayant sérieusement touché les Alpes-Maritimes en octobre 2020. L’évaluation des performances du modèle a pu se faire grâce à une collaboration mise en place durant plus d’un an entre les membres de RéSoCIO travaillant au BRGM et l’équipe-projet « Veille des réseaux sociaux » côté Météo-France. En croisant les données issues des réseaux de mesure météorologique avec les résultats du modèle d’IA, des concentrations de tweets récupérés apparaissent dans les zones les plus touchées. Ce résultat est extrêmement prometteur pour la suite des travaux témoignant de bonnes performances du modèle développé.