En plus des effets dévastateurs pour la société et de la perturbation soudaine de l’activité économique, l’impact des phénomènes météorologiques extrêmes à moyen et long terme peut être important, en particulier dans le contexte du changement climatique selon une étude publiée dans le Bulletin économique de la BCE n°1/2025. Premièrement, bien que les coûts à court terme se limitent généralement aux dommages immédiats et aux perturbations causés par les événements eux-mêmes, les changements dans l’investissement, l’offre de main-d’œuvre et la productivité pourraient prolonger les effets économiques. Deuxièmement, les événements météorologiques extrêmes sont souvent relativement locaux, ce qui entraîne des dynamiques migratoires susceptibles de ralentir une éventuelle reprise économique. Et troisièmement, les effets des phénomènes météorologiques extrêmes dépendent des conditions climatiques initiales. À mesure que le changement climatique modifie les températures de référence et les régimes de précipitations, les conséquences économiques de ces événements sur le cycle économique pourraient s’aggraver à l’avenir.
Les inondations peuvent affecter à la fois l’offre et la demande dans l’économie, ce qui rend l’impact global sur l’inflation incertain. Les perturbations de l’approvisionnement et des infrastructures peuvent augmenter les coûts pour les entreprises et les encourager à augmenter leurs prix. Dans le même temps, les pertes d’emplois et la baisse des revenus des ménages, associées à une plus grande incertitude, peuvent peser sur la demande. Il existe peu d’études sur l’impact des inondations sur l’inflation, mais ce qui est disponible indique une augmentation immédiate, mais de courte durée, des prix des denrées alimentaires et une baisse plus prolongée de l’inflation sous-jacente, à mesure que les perturbations de l’approvisionnement à court terme cèdent la place à une demande plus faible.L’impact global sur les prix dépend probablement de la rapidité et de la rapidité avec lesquelles l’approvisionnement et les infrastructures sont reconstruits.
Si l’on examine plus en détail les effets sur l’activité économique réelle, l’impact des inondations peut varier considérablement d’un secteur et d’une région à l’autre. Alors que les inondations sont généralement suivies d’une période prolongée mais temporaire d’essor de la construction dans les régions à revenu élevé, nous n’observons pas une telle augmentation de la construction dans les régions à revenu intermédiaire
Dans le même temps, nous constatons une évolution négative permanente du niveau de la valeur ajoutée brute industrielle dans les régions à revenu intermédiaire et une évolution positive dans les régions à revenu élevé. En ce qui concerne les secteurs autres que la construction, certaines études montrent que des inondations modérées peuvent stimuler la production agricole dans l’année qui suit une inondation, peut-être en raison de l’augmentation des précipitations qui stimulent la productivité agricole lors des récoltes futures. Mais cet effet semble se dissiper avec de graves inondations, peut-être en raison de l’érosion des sols qui compense l’impact bénéfique de la pluie.
Ces tendances sectorielles font entrevoir l’importance de s’attaquer rapidement aux dommages causés aux infrastructures pour éviter des pertes de production permanentes . Dans les régions à revenu élevé, l’événement est suivi d’une augmentation des investissements et d’une augmentation du PIB, ce qui correspond au boom de la reconstruction qu’implique l’évolution sectorielle. Il existe également des preuves d’une productivité totale des facteurs plus élevée dans ces régions, ce qui montre qu’il est peut-être possible de « reconstruire en mieux ». Toutefois, cette augmentation des investissements ne se produit pas dans les régions à revenu intermédiaire.
La couverture d’assurance et le développement économique sont essentiels pour que les économies européennes locales et régionales puissent tirer parti des mécanismes de partage des risques qui peuvent contribuer à atténuer les dommages économiques locaux. Les caractéristiques économiques et institutionnelles qui sont fortement corrélées avec le revenu, telles que les contraintes financières, la qualité de la gouvernance et l’infrastructure publique, peuvent influer sur les résultats économiques à long terme. Des taux d’assurance plus élevés peuvent accélérer la reconstruction et réduire l’impact à long terme des inondations. Cela dit, seul un quart des dommages liés au climat sont actuellement couverts par une assurance en Europe, avec une part de couverture inférieure à 5 % dans certaines économies.
La BCE, en collaboration avec l’Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles (AEAPP), a récemment présenté une solution potentielle au niveau de l’UE pour renforcer les dispositions d’assurance contre les catastrophes, en s’appuyant sur les structures nationales et européennes existantes.
L’impact économique des inondations s’étend également au-delà des zones immédiatement touchées par les liens de la chaîne d’approvisionnement. Une étude sur les inondations de 2021 en Belgique met en évidence des perturbations importantes pour les entreprises directement touchées par l’événement.Ces entreprises ont vu leurs ventes chuter de 15 % en moyenne, et il y avait une probabilité accrue d’échec. Parallèlement, les entreprises des régions non touchées ont également subi une baisse des ventes lorsque leurs fournisseurs ont été touchés. Ces perturbations induites par la chaîne d’approvisionnement ont duré un an après les inondations, car les entreprises ont eu du mal à réorienter rapidement les chaînes d’approvisionnement pour s’éloigner des fournisseurs à long terme.
Bien qu’il soit essentiel d’éliminer les émissions de carbone pour contenir la fréquence et la puissance des inondations à l’avenir, il est possible d’en réduire l’incidence et la probabilité à des horizons plus courts. Les faits montrent que l’adaptation en augmentant le stock de capital consacré aux défenses contre les inondations réduit considérablement l’incidence des inondations deux à quatre ans plus tard. Il est toutefois moins certain que ces défenses réduisent les dommages lorsqu’une inondation grave se produit. Si l’on réitère les résultats ci-dessus, les différences institutionnelles et économiques entre les régions sont susceptibles de jouer un rôle crucial dans la détermination de l’adaptation. Les investissements dans les investissements de défense contre les inondations sont plus susceptibles d’être réalisés dans les régions à revenu élevé dotées d’institutions de haute qualité. Des améliorations des cadres juridiques et de l’innovation financière sont donc nécessaires aux niveaux national et européen pour combler le déficit substantiel actuel de financement de l’adaptation.