Depuis 2001, notre cabinet d’étude spécialisé dans l’étude des risques naturels, Ubyrisk Consultants, effectue une veille permanente des catastrophes naturelles survenant dans le monde. Les événements référencés (plus de 18 100), compilés dans la base de données « BD CATNAT » permettent d’établir des statistiques précises à l’échelle global ou nationale. A l’occasion de sa 20ème année d’existence, Ubyrisk Consultants publie une étude fournissant un panorama exhaustif des catastrophes naturelles survenues dans le Monde au cours de la période 2001-2020.
Entre le 1er janvier 2001 et le 31 décembre 2020, pas moins de 18 142 événements naturels dommageables se sont produit dans le monde, causant la mort directe ou indirecte de 1 354 792 personnes et occasionnant un coût estimé de 3 443 milliards de $ de dommages (coût total actualisé de l'inflation annuelle). Ces chiffres cachent cependant une évolution à long terme qui peut sembler surprenante puisque les événements enregistrés ces 20 dernières années font apparaître, par rapport aux 20 années précédentes (1981-2000) : une augmentation de la fréquence globale des événements, une baisse de la fréquence des événements graves, une baisse de leurs conséquences humaines mais une hausse sensible de leurs conséquences économiques.
DES EVENEMENTS EN AUGMENTATION MODEREE ET ESSENTIELLEMENT D’ORIGINE ATMOSPHERIQUE
Du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2020, 18 142 catastrophes naturelles ont été recensées dans le monde soit en moyenne 907 événements par an.
Sur la période étudiée, on constate deux paliers distincts d’augmentation du nombre d’événement : en 2005 puis depuis 2012. A cet égard, les événements survenus depuis 2015 rassemblent près de 36 % des événements survenus ces 20 dernières années, même si l’année 2020 a vu le nombre de catastrophes enregistrées sensiblement baisser pour revenir à un niveau du début de la dernière décennie (2010-2020).
D’une manière générale, 43,3 % des événements naturels dommageables sont d’origine météorologiques (tempêtes, cyclones, intempéries, tornades orages, grêle, neige), 23,7 % d’origine hydrologique (inondations et coulées de boue), 19,4 % climatique (incendies de forêt, sécheresse, canicule, vague de froid) et 13,5 % d’origine géologique (séismes, éruptions volcaniques et mouvements de terrain).
En termes de fréquence de typologie d’aléa, avec 4413 événements recensés les inondations constituent près d’un d’un quart des catastrophes, suivies par les incendies de forêt (2778 événements soit 12,5% des événements recensés) et les orages / foudre (2019 événements soit plus de 11 %).
L’augmentation de la fréquence des événements est surtout le fait de la multiplication des événements de petite intensité qui sont ceux qui ont le plus progressé. En effet, si l’on ne considère que les événements les plus importants (ayant fait au moins 5 victimes ou plus de 10 blessées et / ou ayant causé des dommages matériels notables à une échelle au moins régionale), on constate que leur nombre annuel n’évolue guère sur la période contrairement aux événements de plus faible intensité. Il y a donc certes davantage d’événement mais cette augmentation est davantage à rechercher dans la démultiplication des petits événements que dans un nombre accru de catastrophes naturelles de forte intensité.
DES CATASTROPHES NATURELLES QUI SURVIENNENT MAJORITAIREMENT EN SAISON CHAUDE ET EN ASIE ET AMERIQUES
La répartition mensuelle moyenne des événements sur 20 ans montre un pic d’événements en saison estivale. Ainsi, les 8 premiers mois de l’année concentrent 67 % des événements et les mois d’été (juin à août) 28 %. Cela s’explique notamment par le fait que les inondations (moussons asiatiques), les incendies de forêt et les orages sont des phénomènes très récurrents en période estivale dans l’hémisphère Nord qui concentre la majeure partie des zones continentales habitées.
Avec 5511 événements recensés, le continent Américain (Amérique du Nord et du Sud) est le continent le plus fréquemment touché suivi de très près par le continent asiatique (5178 événements) et l’Europe (4517 événements).
Lorsque l’on considère les 20 pays ayant subi le plus d’événements au cours de la décennie, cette hiérarchie est un peu différente puisque 6 pays d’Asie sont représentés, 6 pour l’Europe, suivi par le continent Américain avec 4 pays puis l’Afrique et l’Océanie avec 2 pays chacun .
BILAN EN TERMES DE CONSEQUENCES HUMAINES ET MATERIELLES
Gravité globale (humaine et matérielle) - Si l’on considère la gravité des événements, près de 43 % des catastrophes recensées atteignent le niveau 2 (" événement notable " faisant de 1 à 5 victimes et / ou plus de 10 blessés et provoquant des dommages matériels totaux ou partiels à l'échelle locale) sur notre grille de qualification d'importance des événements qui compte 6 niveaux.
Les " événements graves " de niveau 3 (nombre de victimes compris entre 6 et 50 avec des dommages matériels à l'échelle régionale) représentent chacun 23 % des catastrophes naturelles référencées. Les événements de niveaux supérieurs 4 à 6 (faisant plus de 50 victimes et des dommages matériels, de l'échelle nationale à supra-nationale) représentent environ 10 % des événements.
La gravité moyenne annuelle des événements est restée relativement stable au cours de la décennie : celle-ci a atteint un maximum de 2,33 en 2003 et un minimum de 1,99 en 2008. Il semble donc que le niveau de gravité global moyen des événements ait diminué depuis le début de la période même si l’on note une remontée depuis 2012.
Conséquences humaines – Au cours de la dernière décennie, les catastrophes naturelles ont fait en moyenne 67 740 morts par an. Ce chiffre cache cependant une forte variabilité inter-annuelle puisqu’il existe une différence de facteur 37 entre l’année la moins meurtrière (2014 avec 10 470 morts) et celle où l’on déplore le plus grand nombre de victimes (2003 avec 373 559 morts). Les années ayant les plus lourds bilans humains (2003, 2010 et 2008) sont celles durant lesquelles un ou plusieurs événements majeurs (canicule en Europe en 2003, séisme / tsunami en Indonésie en 2004, séisme au Pakistan en 2005, cyclone Nargis en Birmanie et séisme en Chine en 2008, séisme en Haïti et canicule en Russie en 2010). On notera que la décennie 2001-2010 a été largement plus meurtrière que la suivante puisqu’elle concentre près de 88 % des victimes enregistrées au cours de ces 20 dernières années.
Avec 484 553 morts, les séismes représentent près de 36 % des victimes liées aux catastrophes naturelles de ces 20 dernières années. Les tsunamis viennent en seconde position avec 291 860 morts (21,6 % du total) suivis par les cyclones et tempêtes tropicales qui ont causé la mort de 259 117 personnes (19,1 % du total).
L’Asie est de loin le continent où les catastrophes naturelles tuent le plus puisque l’on y dénombre 67,1 % des victimes (908 130 morts). Les Amériques (Nord et Sud) arrivent en seconde position avec 20 % des victimes (270 279 morts) et l’Europe en troisième place avec 10,6 % des victimes (144 073 morts).
Ces chiffres démontrent, s’il en était encore besoin, la très forte vulnérabilité humaine des pays en voie de développement : dans ces derniers, la lourdeur du bilan des catastrophes naturelles se compte surtout en vies humaines alors que dans les pays développés, les conséquences sont surtout financières.
Conséquences économiques - Entre 2001 et 2020, le coût total des catastrophes naturelles est estimé à 3 443 milliards de $ dont presque un tiers (30 % soit 1000 milliards de $) ont été pris en charge par les compagnies d’assurance et de réassurance.
Au regard de ces chiffres, le coût économique annuel moyen des catastrophes naturelles dans le monde s’élève à 172 milliards de $. Néanmoins, cette moyenne cache l’existence d’une importante variation interannuelle mais également inter-décennale.
En effet, les coûts totaux varient d’un facteur 11 entre l’année la moins coûteuse (2001) et la plus coûteuse (2011) tandis que les coûts assurés ont quant à eux variés d’un facteur 9. Si l’on raisonne à l’échelle décennale, on notera que la décennie 2011-2020 a été sensiblement plus coûteuse que la précédente puisqu’elle concentre 64 % des coûts.
Les cyclones et tempêtes tropicales sont les événements les plus coûteux : ils représentent presque un tiers du coût total des dommages liés aux catastrophes naturelles entre 2001 et 2020. La part élevée de cet aléa s’explique par le fait que ces événements sont récurrents (85 en moyenne / an dont 47 atteignent le stade cyclonique), qu’ils touchent souvent plusieurs pays et que plusieurs grands pays développés et / ou émergents (Chine, Inde…) sont directement exposés à cet aléa. Les inondations et les séismes arrivent en 2ème et 3 ème position avec 18,7 % et 13,7 % des coûts.
EVOLUTION DES CATASTROPHES NATURELLES EN FRANCE DANS LE CONTEXTE DE RECHAUFFEMENT GLOBAL
Depuis plusieurs années déjà il est d’usage, à chaque catastrophe naturelle d’origine atmosphérique , d’incriminer le réchauffement global et ses conséquences sur les événements extrêmes. En effet, ce dernier est quasi systématiquement désigné comme responsable direct de l’augmentation apparente de la fréquence des événements. Mais qu’en est-il vraiment au regard de la réalité des chiffres ?
Dans un premier temps si l’on observe la courbe du nombre de catastrophes naturelles d’origine atmosphérique depuis 1980 (tel que référencé par le Centre d’Epistémiologie de l’Université de Louvain, (CRED) on observe une indéniable et régulière augmentation du nombre annuel de ce type d’événement avec néanmoins des variations interannuelles notables ainsi que des périodes de fortes fréquences (comme durant les 7 premières années du siècle). Ainsi, sur la période observée la fréquence moyenne annuelle des événements d’origine atmosphérique par décennie est passée de 164 à 335 soit une augmentation de 104 %, même si l’on constate une stagnation du nombre moyen annuel d’événement depuis 2010.
Cependant, voir dans cette forte augmentation de fréquence uniquement le résultat des conséquences des évolutions climatiques globales serait très réducteur. En effet, de nombreux autres paramètres - anthropiques notamment - entrent en jeu. Parmi les principaux citons notamment :
- les progrès en matière de diffusion de l’information relative aux événements naturels dans le monde entier (et en particulier dans les pays en voie de développement) qui entraine une meilleure collecte des événements (des événements survenant aujourd’hui dans une région reculée d’Afrique n’auraient probablement pas été médiatisés dans les années 80 et le sont aujourd’hui).
- l’inexistence d’un catalogue d’événements historiques sur une période longue (plusieurs décennies) qui empêche de disposer d’un recensement d’événement sur une profondeur temporelle suffisante pour pouvoir effectuer des comparaisons et déduire une évolution des fréquences et des intensités. Ce raisonnement s’applique d’autant plus aux phénomènes d’origine atmosphériques / climatiques et hydrologiques que les points de mesure des aléas (stations météorologiques, hydrologiques…) sont de moins en moins nombreux à mesure que l’on remonte dans le passé.
- la relative jeunesse des institutions qui se charge de répertorier systématiquement les événements qui fait que la reconstitution des événements antérieurs à leur création est souvent compliquée et contribue à la sous-estimation du nombre des événements les plus anciens
- la dynamique démographique mondiale : augmentation de la population mondiale, extension des zones habitées, urbanisation exponentielle (or les villes sont, pour des raisons historiques et / ou pratiques localisées dans des zones exposées au risque inondation notamment), pression démographique dans les zones littorales (plus de la moitié de l’humanité vit à moins de 50 km des côtes, or les zones littorales sont par nature davantage exposées aux risques naturels d’origine atmosphérique tels que les tempêtes, ouragans, inondations côtières ou dans les zones d’estuaires).
- L’augmentation de la richesse globale de ces dernières décennies : bien qu’ayant permis une diffusion et une amélioration des mesures de gestion des risques naturels (alertes, prévention…) dont le résultat le plus spectaculaire est la baisse régulière du nombre de victime, elle est également à l’origine d’une plus forte vulnérabilité (matérielles notamment) des sociétés. Ainsi, à niveau d’intensité d’aléa égal, celle-ci sont sensiblement plus impactée aujourd’hui qu’il y a 30 ans.
Ainsi, si l’on ne considère que le facteur de l’augmentation de la population globale et que l’on calque celle-ci avec l’évolution du nombre annuel d’événements atmosphérique on constate que les deux courbes suivent la même pente avec qui plus est une forte corrélation (0,86).
A l’instar de l’ensemble des catastrophes naturelles, l’augmentation de la fréquence des événements d’origine atmosphérique est surtout le fait de la multiplication des événements de petite intensité. En effet, si l’on ne considère que les événements les plus importants (ayant fait au moins 5 victimes ou plus de 10 blessées et / ou ayant causé des dommages matériels notables à une échelle au moins régional), on constate que l’augmentation du nombre d’événement est sensiblement moins forte (de l’ordre de 15 % entre 2001 et 2020). Mais cette évolution suit parfaitement la courbe de l’augmentation de la population mondiale (qui s’est accrue de 25 % durant la même période).